Catalogue Numérique de l’exposition Diaspora d’Afrique

Cet article fait la synthèse de l’expérimentation menée dans le cadre d’une mission d’exploration commandée par le musée du quai Branly qui visait à créer, initier le contenu et gérer un Catalogue Numérique pour l’exposition temporaire « Diaspora d’Afrique », du 6 octobre 2007 au 8 janvier 2008 au musée du quai Branly, Paris.

Les enjeux du Catalogue Numérique de l’exposition sont :

  • Affirmer la présence du musée du quai Branly dans l’espace public numérique;
  • Communiquer sur l’exposition, s’adresser aux publics jeunes et moins favorisés, qui sont peu touchés par la communication institutionnelle;
  • Être un laboratoire permettant de tester les nouveaux usages d’internet et les pratiques sociales émergentes du web 2.0 pour le musée.

Détails de mise en oeuvre

Le Catalogue Numérique est un espace de partage de contenu multimédia autour des thèmes de l’exposition « Diaspora », qui permet aux visiteurs de s’informer, de prendre la parole et de prolonger la portée de l’exposition grâce aux nouveaux outils numériques.

Le Catalogue Numérique se présente comme un atelier virtuel ouvert à tous, pendant la durée de l’exposition temporaire.

Son objectif n’est pas de contenir le visiteur dans une simple position de spectateur ou de consommateur, mais de lui permettre d’intervenir dans une communauté créée pour l’occasion, d’y apporter son propre témoignage ou simplement de s’y agréger.

Il est constitué de plusieurs espaces communautaires de partage de contenu de type blog, photo et vidéo, sur des plateformes grand public préexistantes, d’une newsletter mensuelle envoyée à la communauté des amis du musée et de l’exposition, d’un composant sur mesure permettant la syndication de contenu en temps réel sur le site internet du musée.

Les espaces communautaires

La création d’un membre identifié est un préalable obligatoire pour l’usage de ces espaces communautaires. C’est un frein pour l’usage spontané (type « je voudrais déposer un commentaire immédiatement »), mais aussi une force car l’inscription permet de faire un tri parmi les internautes les plus impliqués et responsabilise les usagers à la propriété intellectuelle des documents multimédia diffusés.

La personnalisation consiste à renseigner les informations concernant les données d’identification du membre « quaibranly » et à créer un groupe « Diaspora l’expo». Toutes ces informations sont évidemment indexées et scannées en permanence par les moteurs de recherche et permettent de retrouver les utilisateurs/groupes partageant des mêmes centres d’intérêt.

Schéma Membre pour les espaces collaboratifs

Paternité

L’ensemble de ces espaces appartiennent au musée du quai Branly. La chaîne « Diaspora » ou le groupe « Diaspora l’expo » a en revanche une durée de vie active (publication, modération) qui correspond à la durée de l’exposition temporaire. Toute l’activité est archivée sans limite de temps (conformément aux conditions générales de chaque plateforme communautaire) et indexable sur la totalité des moteurs de recherche (Google, Yahoo, …)

Choix des réseaux sociaux

Le choix des plateformes communautaire s’est fait en fonction de plusieurs critères :

  • La popularité (en France, données quantitatives juin 2007),
  • Le public-cible (en valorisant le non-public du musée),
  • La nature des documents multimédias échangés (textes / images / musiques / vidéos),
  • L’indépendance vis a vis de la publicité en ligne.

MySpace

http://groups.myspace.com/diasporaexpo

Dailymotion

http://www.dailymotion.com/group/61587

YouTube

http://fr.youtube.com/group/diasporaexpo

Flickr

http://www.flickr.com/groups/diaspora
Plateformes de réseaux sociaux utilisés pour l’expérimentation

Promotion et développement éditorial

Ligne éditoriale

Point de départ de toute logique d’édition/de programmation est une bande-annonce de l’exposition avec des photos ou des clips vidéo figurant la mise en place de l’exposition ou présentant la conception des installations. Tout au long de la durée de l’exposition, le CN s’est enrichi d’entretiens vidéo avec les artistes exposés (« Parole à … »).

La ligne a été développée et formalisée en trois points :

  • Réalités de la diaspora hors de l’Afrique (témoignages);
  • Productions artistiques de personnes issues de la diaspora ou au sujet de la diaspora (créations);
  • Points de vue des visiteurs sur l’exposition (avis).

Concrètement, ces choix ont eu des conséquences importantes sur l’acceptation des objets multimédias proposé par les membres sur le Catalogue Numérique. Notamment en terme de tri entre ce qui est de l’ordre de la production artistique africaine en Afrique sur le web (essentiellement art vivant, musique et danse) et ce qui est de l’ordre de la production artistique de personnes issues de la diaspora et hors du continent africain.

Il s’agissait d’essayer de se positionner au plus près des enjeux de l’esprit de l’exposition elle-même, c’est-à-dire une énergie positive issue de la dispersion. Autrement dit, il apparaissait important d’essayer d’éviter tout discours ou tout support au discours, quoique légitime ou compréhensible, porteur des douleurs en rapport avec l’arrachement, ainsi que le ressentiment face à l’esclavage, au racisme et aux ségrégations passées ou toujours présentes.

Promotion du Catalogue Numérique

  • Ecriture de courts messages de promotion dans une logique de marketing viral. Ces messages ont été proposés en différents types, en fonction des cibles (en français et anglais) : institutionnels, neutres et plus « incisifs ». Ces messages ont été librement diffusés par email.
  • Insertion de messages promotionnels sur le Catalogue Numérique dans la mailing list des contacts du service des Publics du musée du quai Branly (en particulier la cible des personnes intéressées par les événements du musée autour de l’Afrique).
  • Envoi de emails d’information aux responsables éditoriaux de blogs et sites de leaders d’opinion potentiellement pourvoyeurs de contenus audiovisuels pour les chaînes du CN.
  • Partenariat média traditionnel et internet avec le service de la communication et la direction des publics : Africultures, Mk2, Onowo, etc

Développement éditorial

Consiste à ajouter des documents multimédias en tant que programmateur-producteur de la chaîne « Diaspora l’exposition ». Les nouvelles productions internes sont déposées au fil de la durée de l’exposition. Elle accompagnent les contenus déposés par les membres, pour ne pas dire qu’ils « compensent » la faiblesse du nombre de programmes pertinents.

Communiquer de manière plus régulière sur des événements du musée (spectacle vivant, programmation de la salle de cinéma, …) aurait certainement eu un effet démultiplicateur de l’animation et de la notoriété des espaces. Cette piste a été très peu développée, car elle conduit à une réorganisation de circuits de communication déjà en place.

Développer les réseaux de membres amis du musée se fait à travers des opérations extrêmement simples : les auteurs ou diffuseurs de contenus susceptibles d’être programmés sont invités à être « contact » ou « ami ». Toutefois il n’est possible de prendre contact avec eux que par l’intermédiaire des outils de la plateforme choisie.

La participation à d’autres groupes ou chaînes est également bien vu pour augmenter son réseau d’amis. Les chaînes se trouvent par la recherche générale avec mots-clés pertinents ou se présentent d’elles-mêmes par la proposition d’un contenu. A titre d’exemple, le « quaibranly » est abonné aux chaînes : humanSociety, docu-en-court, musique-afrique, N’oubliez-pas-afrique, etc…

Plus de contenus du groupe Diaspora – l’exposition

Modérer des contenus

Une fois quelques contacts établis, les amis et contacts proposent leur dernière création en soumettant une vidéo/une photographie dans le groupe « Diaspora l’exposition ». Dans leur écrasante majorité, les créations soumises ne correspondaient pas précisément aux axes de la ligne éditoriale. Nous avons choisi de les refuser dans la chaîne « Diaspora ».

Une recherche constante de contenu a été effectuée à travers une interface tableau de bord mise au point pour l’occasion. La recherche a été particulièrement complexe pour les contenus audiovisuels alors qu’elle a été simple pour les photos. Globalement, les espaces Youtube et Dailymotion proposés sont peu orientés création et art contemporain, et il y a finalement assez peu de contenu pertinent, malgré le très grand nombre de mots-clés essayés pour élargir la recherche.

Envoi d’une Newsletter mensuelle

La composition/programmation de la newsletter s’est appuyée :

  • sur la sélection d’objets audiovisuels produits par les internautes et mis en ligne sur les espaces collaboratifs,
  • sur la mise en relief des productions internes, afin de promouvoir l’exposition dans la logique d’édition.
  • sur la rédaction de petits textes d’accompagnement.

Rapport d’audience

Commenter la fréquentation des espaces collaboratifs sur la durée de la mission est un exercice relativement difficile. Presque toutes les données relevées évoluent à la hausse jusqu’à la fin de l’exposition, avec une certaine inertie au démarrage.

Ce qui est singulier, c’est le pouvoir d’attraction polémique de la vidéo « Dans tes cheveux » de Mathilde Monnier, qui concentre une large majorité des visites sur l’ensemble des plateformes.

Le nombre de demandes de vidéos et de photos dans ces espaces, après la fermeture de l’exposition réelle, continue de croître.

Qualité des publics

Les publics sont assez proches entre Youtube et Dailymotion. Globalement populaires, directs, conviviaux, spontanés et peu fidèles. Beaucoup de visiteurs sur les espaces vidéos, mais relativement peu de contacts impliqués par le sujet ou souhaitant en savoir plus.

MySpace a surtout été l’occasion de développer un réseau de contact assez réactif et d’associer certains artistes de l’exposition réelle qui disposent d’un espace MySpace (Jean-Pierre Bekolo, …) L’exposition a donné lieu à des commentaires très positifs sur Myspace. La plupart des commentaires étaient bienveillants ou neutres, et n’ont pas nécessité une grande vigilance quant à leur contenu. Toutefois, Myspace est utilisé comme espace de diffusion de contenus parfois douteux par une frange très limitée de membres. Nous avons eu à bloquer un utilisateur.

La distinction est nette avec Flickr : le réseau est un peu plus « haut de gamme » et le lien des membres avec leur espace personnel plus fort. Une forme de reconnaissance est peut-être davantage attachée à la photo qu’à la production de contenu vidéo. Les membres de Flickr semblent concernés surtout par le fait de maximiser sa réputation et promouvoir ses propres productions.

Les réseaux ne sont pas aussi étendus que l’on aurait pu l’espérer.

La vidéo « Dans tes cheveux »

Cette vidéo a été déposée sur l’espace Dailymotion le 11/10/2007. Elle présente un extrait de 2 minutes de l’installation de Mathilde Monnier dont la musique a été composée par Ibrahim Abdullah. Cette vidéo a été sélectionnée par l’équipe éditoriale de Dailymotion au mois de novembre comme « vidéo star » dans la chaîne « Art » de Dailymotion, ce qui a eu pour effet de démultiplier sa visibilité (mise en avant sur la home page du site français).

Dans tes cheveux

La bande-son de cette vidéo va déclencher une polémique, car un visiteur va reconnaître la première sourate du coran dans les paroles. Les invectives à supprimer la vidéo, pour certains visiteurs « elle porte atteinte à la religion », ont été en partie compensées par d’autres qui légitimaient maladroitement la démarche de l’artiste.

  • Cette vidéo a été vue 14716 fois sur Dailymotion (au 10/01/2008)
  • Elle a été placée 33 fois en favorite
  • 35 personnes ont voté cette vidéo (note moyenne : 3,2/5)
  • 39 personnes ont commenté cette vidéo

Le musée du quai Branly n’a pas jugé utile d’intervenir dans le dialogue et le débat, sans pour autant retirer la vidéo. La suite lui a donné raison, car la polémique a cessé en quelques semaines. Cependant, à la lecture de certains commentaires, on peut penser qu’il y a avait là une bonne opportunité de médiation publique la nécessaire liberté de l’artiste dans la République, en donnant la parole à Mathilde Monnier tout en fournissant des arguments au débat.

Nous considérons comme une réussite du point de vue de la création de débat. Le thème des échanges était éloigné de la diaspora africaine mais attaquait intensément des problématiques contemporaines de brassage/confrontation de cultures. Notamment en terme de tolérance.

Conclusion

Le musée démocratique

Il est indiscutable que nous sommes à un tournant de l’usage d’internet comme outil relationnel et social.

Les pratiques et les usages des nouveaux services du web 2.0 (blogs, communication horizontale, contenus générés par l’utilisateur, applications web, mashups…) sont en rupture avec les modèles traditionnels de marketing et de médiation culturelle. Une des conséquences sociologiques de ce changement est qu’en permettant de rendre publique la production personnelle, le réseau crée de nouvelles articulations entre le musée et l’individu et le musée et les groupes sociaux.

La force d’un musée ne se résume pas uniquement à ses collections, ni à son bâtiment, mais également à son public. Ce dernier peut maintenant se réunir, échanger, collaborer, partager sur l’espace public numérique qu’est devenu internet. Et de plus en plus. Sans contrainte temporelle et géographique, ce public est également beaucoup plus hétérogène. Il faut donc repenser l’accueil du musée numérique en l’adaptant au public le moins favorisé, à ceux qui sont peu touchés par la culture muséale.

Tandis qu’une autre partie du public (la classe plus « créative ») est de plus en plus exigeante, volontaire, participative et désire être acteur de sa vie. C’est un mouvement qui se généralise à tous les niveaux de la société occidentale contemporaine (école, politique, médias,…). On ne peut plus penser l’offre culturelle comme avant.

Recommandations

Définir les besoins en amont de la production. Lancer la promotion du Catalogue Numérique en même temps que celle de l’exposition et préparer la campagne médias en concertation avec la Direction de la communication : captation vidéo in-situ, les interviews, la promotion presse, la recherche de contenus et la rédaction des newsletters, la recherche d’amis et de contacts, la modération et l’animation.

Améliorer la syndication du contenu. Créer une page du site internet plus spécifiquement construite en tant que page d’accès au Catalogue Numérique. Offrir à d’autres sites partenaires des mini-modules permettant d’insérer facilement des extraits du Catalogue Numérique sur leur propre site.

Développer une version accessible sur audioguide avec du contenu actualisé en temps réel et des informations pratiques. En France, à partir de 2009 la majorité des téléphones mobiles (iPhone, P.D.A. et smartphones) disposeront d’une connectivité permettant le téléchargement d’applications multimédia sans fil, le contenu du Catalogue Numérique devra leur être accessible.

Récupérer l’indice de satisfaction du public. Il n’existe pas véritablement de business-model pour vendre le Catalogue Numérique (sauf à le coupler peut-être avec la vente de l’audioguide de l’exposition). En revanche, les avis des visiteurs peuvent être une source de valeur pour les concepteurs de l’exposition et permettre de déterminer comment les visiteurs découvrent, parcourent, partagent le contenu d’une exposition, ce qu’ils en retirent et les raisons qui leur donnerai envie de revenir.