A propos de la scénarisation de la médiation culturelle

Je termine du coffret vidéo de l’intégrale de la série « Palette » , 50 épisodes réalisé entre 1985 et 2005 par Alain Jobert. Pour ceux qui ne connaissent pas cette référence mondiale, chaque épisode s’intéresse à un seul tableau, décrypté pendant 30 minutes sous forme d’exploration esthétique, sans autres artefacts qu’une palette graphique et une voix-off chevrotante. Et c’est génial.

La démarche de pédagogie et de scénarisation de la série se base sur la découverte progressive d’énigmes. Le point de départ est toujours une très riche documentation historique et scientifique et parfois visuelle. Ce ne sont pas les énigmes elles-même qui sont intéressantes pour la médiation, mais l’aventure partagée de cette recherche ou le processus de la découverte qui séduit et enchaîne le spectateur. Ce dernier court après un secret. Et cette course devient le moteur de sa curiosité.
Les gens font des milliers de kilomètres pour aller voir des images dans des musées que bien souvent ils ne comprennent pas, car elles font référence à des univers très codés qui ne connaissent pas, malgré les fiches, malgré les textes explicatifs, malgré les cartes géographiques, et qui finissent par créer une sorte d’insatisfaction.
L’information muséale n’a pas toujours les clés pour répondre aux attentes des spectateurs. Il s’agit de révéler, mais pas n’importe quoi et pas n’importe comment. Il y a un rituel de la révélation : l’analyse stylistique, le mystère, le suspens, la mémoire personnelle sont habilement manipulés par le médiateur pour captiver son audience et conserver l’attention de chacun.
Pour lutter contre la prolifération des images, Alain Jobert choisi une écriture visuelle économe, précise, découpée en gros plans, comme une enquête policière. L’ironie est parfois présent dans le ton de la voix off, jamais bavarde. Dans chaque épisode, on partage le plaisir de la découverte.

La médiation n’a pas vocation principale d’apprentissage, car l’Histoire de l’art est plus compliquée que le simple plaisir de regarder un tableau, mais elle peut permettre de déchiffrer un mystère et de créer un « instant décisif » de compréhension, qui permet au spectateur de comprendre ce qu’il y a d’original dans une œuvre ou de jouir du message de l’artiste.

3 commentaires

  1. j’ai tendance à préférer et de loin l’approche d’Hector Obalk (collection grand art d’Arte). Jobert limite trop les oeuvres à une explication technique ou de contexte historique. Il pourrait y avoir des « palettes » sur des oeuvres extrêmement médiocres avec un discours aussi « intelligent ».

  2. Sur les 50 oeuvres, il n’y a pas grand chose à jeter… Certains épisodes sont plus réussis que d’autres, c’est vrai (en particulier les peintures du XVe-XIXe), mais la somme (50 épisodes sur 15 ans) constitue un modèle de référence indépassable. Mes préférés : celui sur La chambre d’Arles de Van Gogh ou celui sur Ucello.

  3. Complément au message précédent. Je viens de découvrir une utopie rafraichissante grâce au net : http://canal-educatif.fr/arts.htm des documentaires de qualité sur des oeuvres d’art classiques, réalisés par une jeune association au fonctionnement collaboratif et philanthropique.

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